A l’occasion de la récente sortie dans la série Panzers Normandie 44 aux éditions Maranes de ce livre offrant un historique du bataillon de chars lourds que fut la schwere Panzer-Abteilung 503, et de son parcours en Normandie et dans le Vexin lors de l’été 1944, nous vous proposons un entretien pour découvrir son auteur.
Axe & Alliés : peux-tu nous décrire en quelques mots le livre Tiger de la S.pz.Abt.503 ?
Max Stein : C’est un bataillon de chars lourds indépendant de la Heer (WH) composé de Tiger I et de Tiger II. La S.pz.Abt.503 est connue pour avoir à son actif détruit 1700 chars alliés et plus de 2000 canons d’artilleries/anti-char pour la perte total de 251 Tiger. (Front Est / Ouest) Elle était composée d’hommes de valeur comme le Hauptmann Walter Scherf, le Leutnant Von Rosen, Alfred Rubbel ainsi que le plus célèbre « destructeur » de char Kurt Knispel avec 195 chars touchés dont 168 détruits confirmés. Ce livre Tiger de la S.pz.Abt.503 retrace sur 288 pages et 400 photos le parcours chaotique des 33 Tiger I et 12 Tiger II engagés ici en Normandie et dans le Vexin Normand du 6 juillet au 31 aout 1944.
A & A : à travers ton ouvrage, que veux-tu particulièrement transmettre aux lecteurs ?
Un récit composé de témoignages en partie inédits sur la montée au front d’une compagnie de chars lourds, ainsi que ses combats avec toutes les difficultés techniques, et humaines que cela représentent. Le tout avec des retours sur le terrain en incluant de nombreuses photos associées à des corrections historiques importantes.
A & A : pourquoi as-tu choisi de couvrir la Seconde Guerre mondiale, et cet aspect notamment ?
Car nous sommes la dernière génération à pouvoir échanger avec les vétérans de la Seconde Guerre mondiale. Ça c’est passé il y a plus de 75 ans désormais, c’est à la fois loin et relativement proche. Les stigmates laissées ici en Normandie sont encore nombreux…
A & A : as-tu un lien personnel avec les acteurs des évènements, ou les lieux, que tu décris ?
Oui car étant natif de Normandie, j’ai grandi sur certaines zones d’engagements des Tiger de la s.pz.abt.503. Il y a eu des retours de vétérans dès les années 80 ici sur la région de Caen, d’Emieville et de Cagny. Aujourd’hui ces lieux chargés d’histoires sont détruits par l’urbanisme dévorant de la ville de Caen. Dans quelques années il ne restera plus grand chose de la plaine céréalière qui fut témoin de l’opération Goodwood le 18 juillet 1944.
A & A : quelle compétence transversale t’as permis d’arriver au niveau de maîtrise du sujet que tu démontres au fil des pages ?
La patience, surtout la patience !!! La curiosité, la remise en questions et une aptitude à la technique et militaire / stratégique sont très importantes. Les retours sur le terrain sont primordiaux, l’approche des musées comme Saumur est indispensable pour mieux comprendre la réalité « physique » d’un Tiger I/II.
A & A : quels ont été tes moments de doutes, et comment les as-tu surmonté ?
Ils ont été nombreux ! Car le sujet d’origine (archives) était erroné depuis les années 70 ! Les vétérans eux mêmes avaient parfois mal localisés certains lieux. Certains auteurs avaient abondés des faits « romancés voir héroïques » sans retour sur le terrain tout en multipliant les erreurs historiques, techniques, et géographiques. De plus les allemands avaient renuméroté certains chars et que d’autres ont été confondus avec d’autres unités de la SS, comme la S.SS.Pz.Abt.102 qui utilisait aussi des Tiger I ausf E. Il a fallu mettre tout à plat, prendre le temps de tout décomposer et jusqu’au dernier jour avant impression !
A & A : si c’était à refaire, changerais-tu quelque chose ?
J’aurai aimé inclure un peu plus de passementaire, soldbuch et effets personnels des vétérans de la s.pz.abt.503 mais qui ont malheureusement été vendus par des collectionneurs…
A & A : peux-tu nous citer ton passage préféré ?
C’est une question difficile (rire) car ils ont tous ma préférence. Mais j’avoue que le chapitre concernant les combats du 11 juillet est vraiment extra, ainsi que la montée au front en Normandie !
A & A : quel est le plus grand mythe que tu es parvenu à éclaircir dans ton ouvrage ?
Sans conteste, le mythe de la tourelle « Porsche » qui n’a jamais existé. La S.pz.abt.503 recevra 12 Tiger II en Normandie équipés de tourelle de présérie. Faussement dénommée Porsche depuis 1943 et repris par divers auteurs sans avoir vérifié les documents techniques de l’époque. Les tourelles ont toujours été produites par Henschel, le canon par Krupp et l’agencement par Wegmann. Heureusement depuis quelques années des auteurs spécialisés tentent de faire corriger ce « mythe » et je suis sincèrement ravi d’apporter cette correction à travers le livre, Tiger de la S.pz.Abt.503.
A & A : as-tu dû faire l’impasse sur des éléments que tu aurais voulu inclure ?
Malheureusement oui, certaines photos n’étaient plus libres de droits ou alors de mauvaises qualités pour faire partie de l’ouvrage.
A & A : peux-tu nous en dire plus sur tes rencontres avec les vétérans et ce qui a pu les convaincre de se confier à toi ?
Ces rencontres ont toujours été riches d’émotions mais pour en arriver là, il a fallu montrer « patte blanche », être patient, correspondre par courriers, échanger des photos, des confiseries normandes, être bienveillant car oui, certains vétérans ont été « abusés » par certains auteurs ou passionnés. Il était important pour moi d’échanger sur leurs vécus de vies aussi bien pendant la guerre, qu’après. Le feeling s’est créé de façon naturelle, il faut rester humble face à ces anciens, qu’ils soient allemands, anglais, américains… si on souhaite que les échanges soient sincères et non orientés.
A & A : en as-tu tiré une leçon de vie ?
Oui, clairement, la guerre n’est pas un jeu, ni une façon d’imposer sa puissance ou ses convictions. Elle doit être évitée le plus possible. Ici en Normandie, quand on découvre des dépouilles 75 ans après la fin des combats, il est bon de se poser vraiment la question de l’utilité d’une guerre et du sacrifice de toutes ces générations.
A & A : quels sont tes projets futurs ?
D’un point de vue historique, travailler sur le déploiement des Tiger des unités de la Waffen, de la Heer et des écoles d’instructions ici sur le West Front en 1943-1945 en incluant les Ardennes avec mes amis belges. Reprendre et corriger ce qui a été écrit sur les Tiger afin d’apporter plus de précision et de réalité.
A & A : qui aimerais-tu remercier ?
Principalement les vétérans de la s.pz.Abt.503, notamment Walter Scherf, Richard von Rosen, mais surtout Gotthold Wunderlich (conducteur du PzIV au Jadgtiger toujours en vie.) et son petit fils Roman. Également mes amis du musée des blindés de Saumur et Maranes Editions pour la construction de cet ouvrage made in Normandie !
A & A : as-tu des orientations bibliographiques à nous recommander ?
Divers livres de Lee Archer (Panzerwrecks) et bien sur les livres de Maranes Editions qui sont des ouvrages hautement spécialisés sur des unités allemandes engagées en Normandie.
A & A : pour conclure, que voudrais-tu ajouter pour les lecteurs d’Axe & Alliés ?
Qu’il est important de se remettre en questions, et d’approfondir ses connaissances sur des sujets historiques en incluant des retours sur les terrains, associés aux visites guidées de certains musées.
Liens
En plus des liens utiles ci-avant, voyez également nos articles : Le Tigre, un mythe sur chenilles et Le Tigre au combat !
English version
Axe & Alliés : Could you describe in a few words your book « Tiger of the S.pz.Abt.503 »?
Max Stein : It is an independent heavy tank battalion of the Heer (WH) composed of Tiger I and Tiger II. The S.pz.Abt.503 is known for having destroyed 1700 Allied tanks and more than 2000 artillery/anti-tank guns for the total loss of 251 Tiger on the Eastern and Western Fronts. It was staffed by brave men, such as Hauptmann Walter Scherrer, Leutnant Von Rosen, Alfred Rubbel, and the most famous tank destroyer: Kurt Knispel with 195 tanks hit, of which 168 confirmed destroyed.
In 288 pages and 400 photos, this book « Tiger of the S.pz.Abt.503 » recounts the chaotic journey of the 33 Tiger I and 12 Tiger II engaged here in Normandy, and in the Vexin, from July 6th to August 31st, 1944.
A & A : What do you particularly want to pass on to the reader through your book?
A tale made of partly unpublished testimonies on how a company of heavy tanks went to the frontline, as well as its struggles with all the technical and human difficulties that this entails. All that with field surveys including many pictures, combined with important historical corrections.
A & A : Why did you choose to cover the Second World War, and this aspect particularly?
Because we are the last generation to be able to exchange with the veterans of the Second World War. It happened more than 75 years ago now, it is both far and relatively close. The stigma left here in Normandy is still considerable…
A & A : Do you have a personal bond with the people or places you describe?
Yes, because being a native of Normandy, I grew up on some Tiger engagement areas of the s.pz.abt.503. There were returning veterans since the 80s here in the areas of Caen, Emieville, and Cagny. Today these places full of history are being destroyed by the overwhelming urbanization of Caen. In a few years, there will be little left of the cereal farmland that witnessed Operation Goodwood on July 18, 1944.
A & A : What transversal skill has allowed you to reach the high level of understanding of the subject that you are demonstrating throughout the pages?
Patience, especially patience!!! Curiosity, questioning, and a technical and military/strategic aptitude are very important. The field trips are essential, the access to museums like Saumur is essential to better understand the « physical » reality of a Tiger I/II.
A & A : What were your moments of doubt, and how did you overcome them?
They were numerous! Because the original material (archives) was wrong since the 70s! The veterans themselves had sometimes badly located some places. Some authors had abounded in « romanticized » or even heroic facts without returning to the field while multiplying the historical, technical, and geographical errors. Moreover, the Germans had renumbered some tanks, and others were confused with other units of the SS, such as the S.SS.Pz.Abt.102 which also used Tiger I ausf E. It was necessary to clarify everything, to take the time to dissect everything, and up until the last day before printing!
A & A : If you had to do it again, would you change anything?
I would have liked to include a little more soldbuch and personal effects of the veterans of the s.pz.abt.503, but which unfortunately have been sold by collectors…
A & A : Could you quote your favorite part?
It’s a hard question, haha! Because they are all my favorites. I must admit that the chapter about the fight of July 11 is great though, as well as the movement up to the front in Normandy!
A & A : What is the biggest myth you managed to clarify in your book?
Undoubtedly, the myth of the « Porsche » turret which never existed.
The S.pz.abt.503 will receive 12 Tiger II in Normandy equipped with a pre-production turret. Falsely named Porsche since 1943 and taken over by various authors without having verified the technical documents of the time. The turrets were always produced by Henschel, the gun by Krupp, and assembled by Wegmann. Fortunately for some years, specialized authors have been trying to correct this « myth » and I am sincerely pleased to bring this correction through the book, Tiger of the S.pz.Abt.503.
A & A : Did you have to leave out elements that you wanted to include?
Unfortunately, yes. Some photos were no longer free of rights or of too bad quality to be included in the book.
A & A : Can you tell us more about your meetings with the veterans, and what convinced them to open up to you?
These meetings were always rich in emotions, but to get there, it was necessary to prove myself, to be patient, to correspond by mail, to exchange photos, Norman sweets, to be benevolent, because yes, some veterans were deceived by some authors or enthusiasts. It was important for me to have discussions about their life experiences during the war and after. The connection then came naturally. You have to remain humble in front of these veterans, whether they are German, English, American if you want the interaction to be sincere and not biased.
A & A : Did it teach you a life lesson?
Yes, clearly. War is not a game, nor a way to impose one’s power or one’s convictions, it must be avoided as much as possible. Here in Normandy, when we discover remains 75 years after the battle, it is worth asking ourselves about the purpose of war and the sacrifice of all these generations.
A & A : What are your future projects?
From a historical point of view, to work on the deployment of the Tiger units of the Waffen SS, the Heer, and the training schools here on the West Front in 1943-1945, including the Ardennes with my Belgian friends. Review and correct what has been written about the Tiger in order to bring more accuracy and reality.
A & A : Who would you like to thank?
Mainly the veterans of the s.pz.Abt.503, notably Walter Scherf, Richard von Rosen, but especially Gotthold Wunderlich (a driver from the Pz IV to the Jadgtiger, still alive), and his grandson Roman. Also, my friends from the Musée des blindés de Saumur and Maranes Editions for the creation of this book, made in Normandy!
A & A : Do you have any book recommendations?
Various books of Lee Archer (Panzerwrecks) and of course the books of Maranes Editions, which are highly specialized works on German units engaged in Normandy.
A & A : To conclude, what would you like to add for the readers of Axe & Allies?
That it is important to question oneself and to deepen one’s knowledge on historical subjects by including field trips, coupled with guided tours of selected museums.