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Le Troisième Reich

L’intérêt du public pour la Seconde Guerre mondiale reste extraordinairement riche, comme le montre le nombre de documentaires télévisuels, de films inspirés de cette période et bien évidemment du volume très important d’ouvrages publiés chaque année, traitant des innombrables aspects du conflit, sous un angle civil ou militaire. Malgré tout, les ouvrages permettant d’englober la totalité de la guerre, et plus encore de ses causes et des événements ayant abouti à l’instauration du Ille Reich, restent singulièrement rares, la principale référence en la matière étant Le Troisième Reich : des origines à la chute de William Shirer, dont l’édition initiale date de 1963 !

La démarche de l’historien britannique Richard J. Evans, professeur d’Histoire à Cambridge, est donc particulièrement intéressante, car l’auteur, spécialiste de l’histoire sociale allemande, propose ici une vaste étude, publiée en trois volumes, qui aborde en détails la prise du pouvoir par le parti d’Adolf Hitler et la main mise des nazis sur la société allemande.

Remontant à la situation politique allemande antérieure à la Première Guerre mondiale, l’auteur montre que contrairement aux idées reçues, l’avènement des nazis en Allemagne n’était ni inéluctable, ni, ce qui a longtemps été l’opinion générale, intrinsèquement propre à l’évolution politique de ce pays. Le capitalisme allemand, le pangermanisme, l’esprit de revanche suite aux traités de Versailles et, pour résumer, le besoin d’expansion et de développement de l’Allemagne conquérante ne menait pas obligatoirement au nazisme. On découvrira dans cet ouvrage, s’il en était besoin, que de nombreux mouvements politiques allemands, plus ou moins autoritaires mais pas tous forcément aussi racistes que le parti nazi, auraient largement pu s’imposer ou même tout simplement contrecarrer les ambitions d’Adolf Hitler. La réussite des nazis a surtout été de savoir s’adapter aux aspirations du peuple allemand, à intégrer des mouvements politiques très divers et à faire preuve finalement d’un sens « démocratique » pour s’emparer du pouvoir puis le consolider sans heurter trop fortement la société allemande, en tout cas pas avant les dernières années du IIIe Reich.

Cette vaste somme se sépare donc en trois tomes. « L’avènement » s’attache à la période passionnante des années qui précèdent la prise du pouvoir de 1933, quand l’Allemagne, à l’image de nombreux autres pays européens, dont principalement l’Italie et la Russie, voit son système politique obsolète totalement déstabilisé par les conséquences de la Première Guerre mondiale et s’enfonce dans une effervescence politique marquée par une très grande violence. C’est la période de tous les possibles, des pires scénarios au redressement démocratique, avant que la crise de 1929 ne permette aux nazis, plus déterminés, mieux structurés et surtout menés par un tribun de génie, de s’emparer du pouvoir face à des partis conservateurs maladroits.

Le Troisième Reich: 1933-1939 - Richard J. Evans
Le Troisième Reich: 1933-1939 - Richard J. Evans

Le second tome, « 1933-1939 », montre la progressive main mise des nazis sur le pays, leur politique d’élimination des opposants et des « éléments indésirables », d’abord masquée puis de plus en plus totalitaire, et l’inéluctable marche à la guerre, rendue inévitable en raison d’une politique économique inconséquente et de la nécessité de conserver le pouvoir face à un peuple finalement assez rétif, et que seuls des victoires militaires et des gains territoriaux peuvent convaincre de continuer à faire confiance à Hitler et à sa clique.

Le Troisième Reich: 1933-1939 - Richard J. Evans
Le Troisième Reich: 1933-1939 - Richard J. Evans

Enfin, le dernier tome (à paraître en librairie le 2 septembre) est logiquement consacré à la période de la guerre, mais délaisse les aspects strictement militaires, largement traités dans d’autres ouvrages, pour montrer l’évolution du régime, ses choix diplomatiques et la mise en place d’une dictature de plus en plus absolue à mesure que la défaite approche : mesures génocidaires et répressives, mise en coupe réglée de l’Europe occupée. L’évolution du moral du peuple allemand et son soutien au régime sont également analysés. Facile d’accès, de lecture agréable, l’ouvrage de Richard Evans offre un regard nettement réactualisé sur la prise du pouvoir par les nazis et l’instauration puis la chute du IIIe Reich. L’auteur s’attache à montrer que l’Allemagne nazie ne s’est bâtie ni à l’issue d’une lutte des classes qui aurait tourné à l’avantage des capitalistes, ni qu’elle était écrite dans les sources du pangermanisme de la fin du XIXe s. Hitler est ainsi à la fois un produit de son temps et une force propre ; il réussit à s’emparer du pouvoir par un jeu politique habile mais ne parvient à s’y maintenir qu’en tenant compte des volontés du peuple allemand avant de céder à une fuite en avant auto-destructrice.

Le Troisième Reich, Richard J. Evans, édité par Flammarion, trois tomes, de 27 € à 31 € le tome.