Principal char de bataille français au moment de la campagne de France, le B1 bis est un blindé lourd, synthèse inachevée entre le char de rupture, destiné à la guerre mécanisée moderne, et le char d’accompagnement d’infanterie préconisé par les généraux français. Ce char puissant est aussi le symbole de l’échec apparent des divisions cuirassées française pour contrer la Blitzkrieg…
Développé dès 1929, le concept d’un char lourd français se heurte à deux conceptions d’emploi radicalement différentes : soit un char de rupture telle que le conçoit le général Estienne, père des chars », soit celui d’un blindé d’accompagnement d’infanterie, dans la lignée des doctrines de la Grande Guerre.
Les modèles proposés à partir de 1934 par les constructeurs présentent un armement puissant : canon de 47 mm en tourelle et obusier de 75 mm en casemate. Ce double armement vise à résoudre la quadrature du cercle des deux conceptions qui s’opposent : lutter contre les blindés adverses et appuyer l’infanterie.
Après quelques développements, le char B1 s’avère en tout cas au début de la guerre comme l’engin le plus puissant et le plus lourdement armé des deux camps. Son blindage le rend pratiquement invulnérable à tous les canons antichars adverses, sauf les pièces d’artillerie les plus lourdes. Son armement lui permet, en théorie, d’affronter toutes les menaces. Mais en opération, le B1 bis est gravement handicapé par un équipage réduit à quatre hommes et une organisation complètement obsolète. Seul dans la tourelle, le chef de char doit servir la pièce de 47 mm et la mitrailleuse coaxiale, diriger l’équipage, et prendre les bonnes décisions tout en observant l’ennemi. Encore plus étonnant, le char est dépourvu d’interphone, ce qui oblige l’équipage à hurler pour se faire entendre. Enfin, de manière presque absurde, c’est le pilote qui sert l’obusier de 75 car il faut pouvoir faire pivoter le char pour viser avec cette pièce en caisse.
Regroupés au début de la guerre en bataillons de chars non endivisionnés, les B1 bis sont considérés comme une réserve stratégique, à disposition du haut commandement. En janvier 1940 sont toutefois formés quatre divisions cuirassées (1re, 2e, 3e et 4e DCr, cette dernière en cours de formation au moment de la campagne de France), composé en partie seulement de B1-bis (une demi-brigade de chars lourds par division). Malgré des résultats tactiques et locaux significatifs, ils ne parviennent à changer le cours de la bataille.
Il faut dire que leur puissance masque de réels défauts de conception : autonomie limitée, mauvaise fiabilité mécanique, fatigue des équipages en opération. Le B1-bis n’est ainsi pas en mesure d’exploiter la moindre percée ni même de livrer une bataille prolongée plus de quelques heures. Pire encore, les chars des DCr sont dispersés et utilisés par petits paquets pour boucher les trous, alors que ces unités devraient former une masse blindée apte à un choc stratégique majeur, comme de Gaulle tentera de la faire à Abbeville avec la 4e Dcr.
Malgré ces défauts, l’engagement des B1-bis est chaque fois un choc pour l’ennemi. A Stonne, voir notre article Stonne (15-18 mai 1940), le 17 mai, le Riquewihr (char du lt. Doumecq, 3e DCr) cause un véritable carnage en traversant le village. A Abbeville, de nombreuses unités allemandes se débandent devant l’avancée des chars français. Mais lors de tous ces combat, la plupart des B1 sont abandonnés suite à des pannes mécaniques, immobilisation ou panne d’essence, et très peu suite à des coups adverses, malgré parfois plusieurs dizaines d’impacts sur les chars.
Malheureusement, le plus puissant char français de 1940 ne parviendra jamais à obtenir des résultats stratégiques décisifs. Mal employé, souvent dispersé, desservi par de nombreuses lacunes mécaniques, le B1 n’avait de toute manière pas les qualités nécessaires pour mener la « guerre foudroyante » imposée par les Allemands.