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Le Sherman M4

Char de combat principal de l’US Army et des unités de l’armée française, le Sherman est le symbole de la libération de l’Europe occupée, même s’il est loin d’être le seul char engagé sur ce théâtre d’opération. Véhicule fiable et apprécié de ses utilisateurs, c’est étonnamment un blindé qui n’a pas été conçu pour le combat contre d’autres chars… et qui devra tout de même se frotter aux Panzer allemands, ce qui explique ses nombreuses et diverses variantes !

Pendant toute la durée de la guerre, ce ne sont pas moins de 50 000 exemplaires du Sherman qui seront produits, toutes variantes confondues, un chiffre énorme à mettre au crédit de la puissance industrielle des États-Unis (mais l’URSS produira de son côté un nombre légèrement supérieur de T-34 !). Selon la doctrine initiale américaine, la lutte contre les chars ennemis incombe aux tank-destroyers (chasseurs de chars), le Sherman servant à la percée et au soutien de l’infanterie. Les premiers modèles sont donc conçus en tenant compte de ces deux missions : ils se voient doter d’un canon de 75 mm très efficace contre l’infanterie et d’un moteur à essence performant placé à l’arrière, qui permet d’atteindre une vitesse sur route de 40 km/h, avec une autonomie de 160 km.

Cela étant, le moteur du Sherman est gros consommateur d’essence, ce qui ne manquera pas de poser un énorme problème logistique aux stratèges alliés lors de la percée en France. Par ailleurs, sa suspension est dure et sa pression au sol importante en raison de sa masse, il se comporte donc mal en terrain meuble. Le Sherman est plutôt un véhicule « roulant », fait pour de grandes chevauchées une fois la percée réalisée, et non pour des manoeuvres tactiques entre blindés dans le bocage ou la boue lorraine. Il ne pivote pas sur lui-même (en inversant le mouvement des chenilles opposées), grave inconvénient en combat urbain.

Le M4 Medium Tank est un engin de grande taille, qui embarque un équipage de cinq hommes dans un habitacle relativement confortable. A l’inverse, sa silhouette très haute (2,97m) en fait une cible de choix et le rend difficile à dissimuler. A ce titre, malgré un équipage conséquent et des caractéristiques assez modernes (gyrostabilisateur de tir et tourelle rapide), le Sherman ne peut être considéré comme un char de bataille de nouvelle génération : son profil massif et carré ne facilite ni la protection ni la furtivité.

Engagés pour la première fois en Afrique du Nord, les Sherman vont rapidement faire l’amère expérience de la lutte antichar, contre des Tiger qui plus est. Ils subissent de lourdes pertes, leur canon de 75 s’avérant incapable de percer les blindages adverses. Malgré tout, l’US Army ne se préoccupe que tardivement de monter un canon antichar plus performant sur ses blindés, et les premiers exemplaires avec canon long de 76mm n’apparaissent que juste avant le débarquement en Normandie.

Autre souci important, le Sherman présente une fâcheuse tendance à prendre feu quand il est touché; la solution est alors d’isoler le compartiment de stockage des obus dans un casier d’eau et de méthanol : c’est le système du « Wet Stowage» (stockage humide), qui explique la dénomination « W » des différentes versions du M4.

Après les premiers modèles M4 à caisse soudée, puis M4A1, à caisse moulée, diverses améliorations sont apportés au moteur, à la suspension, au blindage ou, évolution majeure, à l’armement : M4A3 W (moteur Ford), M4A2 (moteur diesel, uniquement employé dans le Pacifique), modèles avec canon de 76mm, version d’appui avec obusier de 105 mm, version lance-flammes, démineur, voire lance-roquette !… sans parler des différentes versions modifiées par les Britanniques, dont la plus notable est le Sherman Firefly, doté d’un canon de 76mm et particulièrement redouté des Allemands.

Avec ses nombreux défauts tactiques, le Sherman ne semble pas capable de faire le poids contre les chars allemands de nouvelle génération (Panther essentiellement). Mais c’est oublier que ce blindé présente des avantages stratégiques indéniables : il est facile à produire et à entretenir, peu sujet aux pannes mécaniques et facilement évolutif. Il est également apprécié aussi bien par les équipages (qui se plaignent toutefois de sa hauteur et de sa propension à prendre feu) que par l’infanterie qu’il accompagne, grâce à sa puissance de feu.

Et le Sherman, c’est aussi une image, celle de la Libération, avec ces grappes de jeunes Français juchés sur ce blindé vert olive d’allure modeste, symbole de la puissance américaine venue libérer la Vieille Europe !